A la tête de la start-up Save Our Agriculture, Flavien Kouatcha propose depuis 2015 des appareils destinés aussi bien aux particuliers qu’aux professionnels.
« Est-ce que vous avez bien nourri les poissons ? Avez-vous changé l’eau tous les jours ? Avez-vous rencontré un problème avec le kit ? ». Dans un sourire éclatant, Laura Tetuh répond patiemment aux questions de Flavien Kouatcha. « La seule difficulté que je rencontre se trouve au niveau de la partie inférieure. Je ne sais pas à quelle fréquence changer l’eau », avoue la jeune femme.
En cette matinée ensoleillée, Flavien Kouatcha assure le service après-vente chez Laura, une de ses multiples clientes qui vit dans un immeuble situé en plein cœur de Douala, la capitale économique du Cameroun. Le jeune homme âgé de 27 ans est à la tête de Save Our Agriculture, une start-up créée en 2015 et spécialisée dans l’aquaponie, un domaine de l’agriculture moderne qui permet de produire des légumes et du poisson dans un même système – le kit aquaponique –, sans utiliser d’engrais chimique.
Entre 80 000 et 250 000 F CFA le kit
Flavien et son équipe de huit employés fabriquent des kits pour des particuliers et pour des professionnels. Leurs prix varient respectivement entre 80 000 francs CFA (122 euros) et 250 000 francs CFA (380 euros). Ces kits disposent de deux niveaux. La partie supérieure comporte un substrat dans lequel se trouvent de petits cailloux blancs où sont versées les semences de légumes et condiments. Le niveau inférieur est constitué par un bac rempli d’eau où se trouvent les poissons, doté d’une pompe électrique qui envoie l’eau jusqu’au substrat. Les deux parties sont reliées par trois petits bâtons en bois attachés aux deux récipients.
« Quand l’eau arrive au niveau du bac à substrat, elle contient des nutriments issus des poissons, détaille Flavien. Ces nutriments sont naturellement aspirés par les plantes qui purifient l’eau qui rentre dans le bac de poisson ».
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Depuis son lancement officiel en mars, plus de 150 kits ont déjà été vendus au Cameroun. A chaque livraison, Flavien et son équipe insistent sur deux points importants. « Nous demandons aux clients de faire fonctionner la pompe pendant douze heures par jour, précise-t-il. Et de placer le kit pendant au moins six heures dans un endroit ensoleillé ou lumineux pour favoriser la photosynthèse. »
L’intérêt de Flavien Kouatcha pour l’aquaponie est venu par hasard. En 2012, ce jeune homme passionné d’agriculture cultive des pommes de terre dans son village, à l’ouest du Cameroun. La récolte est importante mais, faute de moyens de transport, il en perd une grande quantité qui pourrit. Dépité, il pense à une méthode qui lui permettra d’épargner ses récoltes. L’idée de l’aquaponie germe dans son esprit. Il démissionne alors de son poste dans une multinationale où il touche plus d’un million de francs CFA par mois (1525 euros) pour vivre sa passion. Commencé avec un capital de près de quatre millions, il pèse au bout de sept mois treize millions de francs CFA.
Séduire les passionnés de l’environnement
« C’est une démarche progressive qui a été adoptée pour faire face aux contraintes locales, à la fois des investisseurs et des clients face à des solutions souvent jugées nouvelles et immatures », croit-il.
Comment séduire un jeune, longtemps habitué à l’agriculture traditionnelle et qui ne rêve que de posséder des hectares de terre ? De plus, les kits ne sont pas à la portée de tous. « L’aquaponie ne constitue pas seulement un avantage, permettant de produire dans un espace urbain. Elle permet aussi de réaliser des productions deux à trois fois plus importantes qu’en agriculture traditionnelle. Donc, même si un pays regorgeait de vestes étendues de terre fertile, l’aquaponie aurait sa place », tranche celui qui compte aussi séduire les passionnés de l’environnement, l’aquaponie réduisant considérablement la consommation d’eau et les rejets de carbone.
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Le 4 novembre, Flavien Kouatcha a obtenu le prix de Champion digital de l’agriculture décerné lors de la conférence Africa 4 Tech (dont Le Monde Afrique était partenaire), une plate-forme de talents et un réseau international d’entrepreneurs, scientifiques, développeurs, chercheurs, tenue en prélude à la COP22 à Marrakech, au Maroc. Une récompense qui le conforte dans son ambition : former plus de jeunes à la maîtrise de l’aquaponie en leur donnant des rudiments sur le mode de production, les moyens de faire la maintenance des systèmes, etc.
Le 17 décembre, le jeune homme compte inaugurer la première unité professionnelle de kits, un habitacle de près de 40 m² sur deux niveaux, qui fonctionne selon le même principe que les kits individuels, mais permet de produire de plus grands volumes.
« L’avenir s’avère très radieux, sourit Flavien Kouatcha. L’Organisation internationale des migrations souhaite que nous collaborions ensemble pour apporter une alimentation suffisante et convenable aux immigrés du nord du Cameroun. Nous avons aussi des demandes d’unités aquaponiques à l’étranger. »
Dans son appartement, Laura Tetuh ne quitte pas des yeux ses six poissons-chats qui nagent dans le kit posé sur une table. « Bientôt, les poissons seront grands. Pour cela, je dois changer leur eau tous les jours », précise-t-elle.
Josiane Kouagheu (contributrice Le Monde Afrique, Douala)