CAMEROUN : LE TELETRAVAIL PEUT-IL SOIGNER L’ABSENTEISME DE LA COVID-19 AU POSTE DE TRAVAIL ?

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[Digital Business Africa – Avis d’expert – Par Laurent-Fabrice ZENGUE*] -D’ordre du Président de la République, Chef de l’Etat, à l’intention du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, le Ministre d’Etat, Secrétaire Général de la Présidence de la République a adressé une correspondance au Secrétaire Général des Services du Premier Ministre, ayant pour objet « l’absentéisme chronique des fonctionnaires et agents de l’Etat de leurs postes de travail».

Ladite correspondance est de nature à actualiser la sempiternelle problématique de l’absentéisme, relativement aggravée par le contexte de la crise sanitaire de la maladie à coronavirus (covid). Il pourrait en découler un triple angle d’analyse et de raisonnement, constitué d’abord des causes de la relation entre la covid et l’absentéisme, ensuite du cas spécifique du télétravail comme solution alternative à l’absentéisme.

I. COVID ET ABSENTEISME

La notion d’absentéisme pourrait être appréhendée en rapport avec celle de présentéisme pour bien comprendre les frontières qu’il y a entre elles.

  1. Absentéisme et présentéisme
  2. Définition du présentéisme

Le présentéisme peut être défini comme le fait d’être au travail, sans pour autant être apte ou disposé à remplir ses fonctions. Cela peut être le cas du travailleur qui, étant présent sur le lieu du travail, soit est malade, soit, en dehors de ses heures de pause, traite des dossiers n’ayant rien à voir avec les dossiers professionnels du lieu du travail, soit est oisif et reste sur les réseaux sociaux, soit s’adonne à des activités commerciales ou toute autre activité n’ayant aucun lien avec le travail pour lequel il est présent sur le lieu du travail.

  • Définition de l’absentéisme

L’absentéisme est « le fait d’être absent du lieu du travail (…) de tout lieu où, pour des raisons de travail, de participation à une action, etc, la présence est obligatoire »[1]. Cette définition aborde l’absentéisme comme un fait isolé pas forcément habituel.

Pour Behrend, l’absentéisme serait « l’habitude qu’ont certains travailleurs de s’abstenir de se rendre à leur travail sans raison valable » c’est-à-dire avec une excuse qui est soit mince soit peu convaincante »[2]. Il s’agit ici d’une description comportementale qui est soutenue par l’habitude.

Pour Thierry Rousseau, « L’absentéisme se caractérise par « toute absence qui aurait pu être évitée par une prévention suffisamment précoce des facteurs de dégradations des conditions de travail entendus au sens large : les ambiances physiques mais aussi l’organisation du travail, la qualité de la relation d’emploi, la conciliation des temps professionnel et privé, etc. »[3]

Ces définitions conduisent à trois types d’absentéisme. Il y a l’absentéisme blanc ou l’absentéisme non-fautif, concernant les personnes qui justifient d’un motif légitime de non présence au lieu du travail : c’est le bon absentéisme qui a pour origine une incapacité véridique physique ou psychologique empêchant le salarié de fournir sa prestation normale de travail, ou une situation échappant au contrôle et à la volonté du salarié. Il y a en deuxième lieu l’absentéisme noir ou l’absentéisme fautif : c’est le mauvais absentéisme qui est causé par la faute indiscutable du salarié et les fraudes. Il y a enfin l’absentéisme gris, dont les causes sont les conditions de travail, l’environnement socio-économique.

  • Causes de l’absentéisme

Dans l’abstrait, on peut distinguer trois types de causes de l’absentéisme.[4]

  1. Causes personnelles de l’absentéisme

Elles peuvent être : la dépression, la surcharge mentale, le stress, les problèmes financiers ou familiaux, le déséquilibre entre le travail et la vie personnelle, la mauvaise forme physique, l’accident ou la maladie grave, etc.

b.    Causes organisationnelles de l’absentéisme

On distingue : la sous-utilisation des connaissances et habiletés du travailleur, la surcharge de travail, l’absence de leadership ou la supervision déficiente, l’abus d’autorité ou le harcèlement, l’utilisation abusive de clauses de la convention collective ou du contrat de travail.

c.    Causes environnementales de l’absentéisme

On peut citer : les conditions de travail difficiles (risques physiques, chimiques, biologiques…), les clients agressifs, la déficience ergonomique (environnement de travail non adapté), l’absence de groupe social ou d’interaction significative dans le milieu.

  • Covid, absentéisme et maladie professionnelle

Il est évident qu’une pandémie comme la covid impacte sur l’organisation et l’exercice du travail, notamment sur l’absentéisme. Ce qui induit que l’impact de la covid sur l’absentéisme devrait être analysé en considération de la qualification de la covid en rapport avec les problématiques de l’organisation et de l’exercice du travail.

  1. Définition de maladie professionnelle

Une définition restreinte de la maladie professionnelle. D’abord par l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles : « Une maladie est dite « professionnelle » si elle est la conséquence directe de l’exposition habituelle d’un travailleur à un risque physique, chimique, biologique, ou résulte des conditions dans lesquelles il exerce son activité professionnelle »[5]Ensuite, la définition de  P. Mazel, pour qui une maladie professionnelle « C’est une maladie qui, vraisemblablement, ne se serait pas produite dans un autre métier »[6]. Ces deux définitions renferment la qualification de maladie professionnelle dans un lien étroit avec la nature du métier qui est exercé et à l’occasion duquel la maladie aurait pu être contractée. : ce sont donc les conditions d’exercice du métier qui fondent la qualification de maladie professionnelle.

Une définition extensive de la maladie professionnelle. Pour le site du Service public français, « Une maladie peut être considérée comme professionnelle lorsqu’elle est contractée du fait de votre travail. »[7]. Cette définition présente l’avantage d’inclure toute maladie ayant été contractée à l’occasion de l’exercice du travail, y compris sur le trajet aller pour le lieu de l’exercice du travail et/ou le trajet retour en provenance du lieu de l’exercice du travail : ce qui pourrait logiquement inclure la covid-19.

  • Covid est-elle une maladie professionnelle ?

Aussi bien dans le cas de la définition restreinte que dans celui de la définition extensive de la maladie professionnelle, l’on peut logiquement conclure que la covid est une maladie professionnelle. La définition restreinte concernerait beaucoup plus les salariés du secteur de la santé, qui sont exposés au risque de contamination du fait de l’exercice de leur métier. La définition extensive concernerait tout autre salarié non sanitaire, qui de ce fait n’est pas exposé au virus du fait du métier exercé.

  • Impact de la covid sur l’absentéisme

Selon une étude réalisée aux mois d’avril et mai 2020, la maladie à coronavirus serait la cause de nombreuses absences au travail pour deux causes principales.[8]

L’absentéisme qui a pour cause la suspicion, l’inquiétude ou la peur de contamination, par le partage de locaux insuffisamment nettoyés, le travail dans un espace partagé, ou la prise de transports en commun, etc. Cette tranche de personnes représenterait 56℅ des salariés interrogés. Un autre groupe de personnes, constitué de 11℅ des salariés envisageaient de se faire prescrire un arrêt maladie : ces deux premiers cas constituent l’hypothèse de ce que l’on pourrait appeler l’absentéisme-covid gris.

L’absentéisme, qui a pour causes la maladie confirmée ou suspectée représentait 26℅ de cas de prescription d’arrêt maladies : c’est l’hypothèse de ce que l’on pourrait appeler l’absentéisme-covid blanc.

I l y a aussi le cas des salariés qui profitent de la covid pour ne pas aller travailler et qui ne font pas le travail prescrit non plus, sans motif légitime : c’est l’hypothèse de l’absentéisme-covid noir sur lequel nous n’avons pas de données.

II. COUTS ET SOLUTIONS CONTRE L’ABSENTEISME DANS LE SECTEUR PUBLIC

  1. Coût de l’absentéisme dans le secteur public de la santé au Cameroun
  2. Le référentiel du secteur de la santé

Ce référentiel peut être intéressant car, les métiers de la santé nécessitent une présence effective, concomitante et simultanée du praticien et du patient. Ainsi, « L’impératif le plus fondamental peut-être, qui se rappelle à travers les recommandations de l’Ordre des médecins à propos de l’activité médicale sur internet, est que la médecine est une activité personnelle, qui s’exerce de personne à personne, voire de corps à corps. »[9]

  • Le coût de l’absentéisme

Dans le cas du Cameroun, l’absentéisme dans le secteur public de la santé aurait « absorbé environ 8% de la masse salariale d’octobre 2008. On estime à environ 4 088 568 dollars US courants [soit environ 2 285 509 512 F CFA] (2008), les dépenses consacrées par le secteur public de la santé du Cameroun à cet absentéisme en 2008, ce qui représentait approximativement 2,1% des dépenses publiques de santé. »[10]

  • Coût de l’absentéisme dans le secteur public en général : exemple de certains pays européens

A défaut de disposer d’étude au Cameroun, on pourrait se référer aux exemples européens, notamment une étude réalisée sur certains pays européens, Belgique, France et Angleterre, et commentée par Alain Destexhe & Co[11]. Au niveau européen, les salariés français sont ceux étant les plus absents au travail[12].

En France, par exemple, selon de nombreuses études quantitatives, « le taux d’absentéisme est à la hausse. En 2017, il était de 4,72 %, ce qui équivaut à une durée moyenne de 17 jours d’absence par salarié et par an. On estime ainsi que près de 33 % des salariés sont absents du travail au moins une fois dans l’année. En France, par exemple, selon la même étude, « dans le secteur public (…) on estime que le coût économique moyen est de 60 milliards d’euros, soit environ 39 360 milliards de F CFALesmicro-arrêts d’une journéecoûtent en moyenne 170 millions d’euros, soit 111 520 milliards de F CFA chaque année.», de l’exercice budgétaire de référence.  

  • Conséquences de l’absentéisme et solutions

L’absentéisme dans le secteur public a un double coût : en termes financiers et d’organisation des services

  1. Les conséquences de l’absentéisme

L’absentéisme peut générer de nombreux problèmes : la diminution de la performance de l’administration, l’insuffisance de qualité du service public, le mauvais service aux usagers, la baisse de motivation générale des autres salariés, la désorganisation du travail par la réorganisation des équipes de travail pour combler les absences, l’augmentation de la charge de travail pour ceux qui sont présents, par la distribution des tâches des salariés absents aux salariés présents.

  • Les solutions à l’absentéisme : subjectives et objectives [13] [14]

Solutions subjectives. Améliorer la communication en restant à l’écoute des salariés, des représentants du personnel, au moyen d’enquêtes périodiques de satisfaction et/ou de suggestions. Opter pour un management bienveillant en montrant aux salariés qu’ils sont importants dans l’organisation, en leur faisant confiance, en les écoutant et en faisant montre d’empathie, en valorisant, en félicitant, en faisant en sorte qu’ils se sentent bien au travail. Motiver son personnel par la mise en place des gratifications d’assiduité et des primes de performance. Rester ferme sur la discipline : en cas d’absentéisme dit noir, il convient de rester ferme et de sanctionner.

Solutions objectives. Adopter une bonne politique de ressources humaines : gestion des carrières, formations, perspectives d’évolution et reconnaissance sont des points clés à développer. Améliorer l’organisation interne et l’organisation du travail : la vulgarisation et la diversification des outils, l’équilibrage de la charge  de travail, la distribution de la masse de travail. Améliorer les équipements professionnels et les conditions : l’ambiance physique de travail, l’ergonomie des postes de travail, et le confort. Envisager les méthodes de délocalisation des lieux d’exercice du travail en favorisant le télétravail.

III. COVID ET TELETRAVAIL

La covid et le télétravail sont indissociables. La covid représente une part importante des arrêts maladies, qu’ils soient légitimes ou frauduleux. Ce qui entraîne un bouleversement de l’organisation du travail dont l’une des conséquences est le télétravail.

  1. Télétravail et réorganisation du travail
  2. Définition, contexte et objectif du télétravail

Le télétravail peut être défini comme toute forme d’organisation du travail, dans laquelle le travail, normalement prévu pour être effectué dans les locaux de l’employeur, l’est en dehors desdits locaux, en utilisant les technologies de l’information et de la communication. Le télétravail relève de l’organisation et de la conception de l’exercice du travail.

En ce qui concerne son contexte, les innombrables désagréments causés par les crises sanitaires, les crises sécuritaires, les mouvements sociaux, les perturbations de transports et voies de communication, les contingences domestiques et familiales, les ennuis de santé, sont de nature à privilégier l’exécution des tâches professionnelles à des endroits autres que les locaux de l’employeur. Par ailleurs, dans le cas des organisations multinationales ou de services numériques, devant gérer des horaires différents, sur des territoires très distants, le télétravail permet de synchroniser les activités de ses salariés nomades ou éloignés avec celles de ceux sédentaires.

L’objectif du télétravail est de maintenir la productivité de l’administration, la performance du salarié et la qualité du service public, et d’adapter l’efficacité et la continuité du travail du salarié en toutes circonstances et en tout lieu.

  • Impact du télétravail dans l’organisation du travail

Le télétravail a eu pour effet la rupture de la règle de la triple unité de lieu, de temps et de collectivité du travail, laquelle règle exige que les salariés se retrouvent au même endroit et au même moment, pour effectuer le travail durant un temps déterminé pour tout le monde, voire partout dans le monde.

Premièrement, l’unité de lieu de travail exige que le travail s’effectue dans un endroit unique, très souvent représenté par une maison et un toit, consacrant ainsi l’idée qu’il y a un dedans, c’est-à-dire l’organisation sous la soumission des pouvoirs de l’employeur, et un dehors, celui de la vie privée du travailleur une fois qu’il est hors des locaux du travail.

Quant à l’unité de temps, elle exige que tous les salariés entrent et ressortent en même temps : c’est  la règle des trois huit. Dans le cadre du télétravail, cette règle induit la possibilité de travailler en dehors du cycle des trois huit.

Pour ce qui est de l’unité de collectivité de travail, elle suppose que tout le monde travaille côte à côte. Dans ce cas précis, le télétravail brise cette règle étant entendu que chacun travaille à un lieu différent, même s’il n’est pas exclu pas la construction et la viabilité d’une certaine collectivité de travail virtuelle au moyen des technologies de l’information et de la communication.

Le télétravail pose aussi le problème de son décompte.

  • Décompte de l’épuisement du travail prescrit

L’épuisement du travail prescrit est le véritable baromètre de l’efficacité et des performances professionnelles, y compris le télétravail.

  1. Epuisement du travail prescrit par l’écoulement de la durée de l’horaire légal du travail

Dans le cas où le travail prescrit est considéré comme effectué lorsque la durée légale ou le volume horaire est épuisé, le télétravail court durant ladite durée légale du travail. C’est le cas du travail qui est épuisé entre 8h30mn et 15h30mn, soit 8 heures, ou encore les 40 heures hebdomadaires prescrites par le code du travail.

  • Epuisement du travail prescrit par le résultat de la mission

Dans le cas où l’épuisement du travail prescrit est constaté et attesté par l’atteinte du résultat attendu par l’employeur ou correspondant à la mission considérée, le critère horaire est inopérant. Sous cet angle, par conséquent, la durée du télétravail serait  parfaitement légale tant que le résultat convenu n’est pas atteint. Cette approche a pour inconvénient majeur l’empiètement dans la vie privée et le temps de repos du salarié, traduit dans le langage du numérique par « le doit à la déconnexion ».

  • Préalables à la mise en œuvre du télétravail
  • Fondement et préalables juridiques du télétravail

Le télétravail peut être mis en place par soit un accord collectif, soit une charte, soit un contrat de travail initial ou un avenant audit contrat. Etant donné le silence du code du travail sur les problématiques du droit du travail relativement aux nouvelles technologies de l’information et de la communication et de la lourdeur des mécanismes législatifs, les solutions de la charte et du contrat de travail présentent des garanties de célérité plus réalistes.

L’option de la mise à niveau législative ou réglementaire peut s’avérer la meilleure car, elle aurait alors l’avantage d’uniformiser et d’homogénéiser les solutions et les politiques : elle est longue, lourde et tributaire d’une réelle volonté politique. La voie conventionnelle collective est aussi envisageable, mais elle peut avoir en son sein les mêmes obstacles que l’option législative ou réglementaire. L’adaptation contractuelle individuelle et de la charte est plus indiquée en situation d’urgence et à l’approche au cas par cas, en conformité du poste de travail considéré.

  • Préalables techniques

Il y a d’abord la détermination et l’identification des postes de travail susceptibles de faire l’objet de télétravail sans qu’il y ait perturbation ou sous performance ou dégradation de la qualité du service public. A ce propos, il est évident que le télétravail correspond plus à des postes de travail qui n’ont pas besoin de contacts directs avec les usagers, pour ne concerner que les postes de conception, ou des tâches ne nécessitant pas une présence physique obligatoire sur le lieu de travail, et qui peuvent être effectuées au moyen des outils numériques. En revanche, les postes nécessitant les contacts avec les usagers ne peuvent efficacement faire l’objet de télétravail.

Il y a ensuite le lieu de l’exercice du télétravail : le télétravail peut être effectué à domicile, on parlera de travailleur à domicile, ou de travailleur nomade lorsque le télétravail s’effectue dans un espace de co-working ou dans tout autre espace mis à disposition par l’employeur ou convenu avec le télétravailleur. Il peut aussi s’agir, tout simplement, de n’importe quel espace dès lors qu’il permet de remplir la mission dévolue au télétravailleur : train, avion, bus, etc.

Il y a enfin la mise à disposition des équipements affectés à cet effet. Il s’agit, pour l’essentiel des outils informatiques et technologiques tels que l’ordinateur, l’imprimante, le scanner, ligne de téléphone, connexion internet, etc.

  • Apport et risques du télétravail
  • L’apport du télétravail pour le salarié et l’employeur

Les principaux impacts positifs avérés du télétravail pour le salarié sont : une meilleure qualité de vie personnelle, une meilleure qualité de vie familiale, une meilleure répartition du temps, la diminution du stress et de la fatigue physique liés aux transports, la liberté d’échapper aux contraintes des transports, la liberté de décaler les horaires de travail, la liberté de travailler seule(e), la liberté de faire le choix de son lieu de travail, la liberté de concilier le travail et certaines interruptions telles que les visites médicales, les rendez-vous à la banque, le suivi des enfants, etc.

Pour l’employeur, le télétravail permet de maintenir la performance et, la continuité et la qualité du service public, même en temps de crise sanitaire, sécuritaire ou sociale.

  • L’apport du télétravail dans la lutte contre l’absentéisme

Le télétravail apporte beaucoup dans la lutte contre l’absentéisme.

La diminution de l’absentéisme. Le télétravail permet de transformer des situations qui auraient pu engendrer de l’absentéisme en situation de présentéisme à distance, contribuant ainsi à réduire le taux d’absentéisme[15]. Ainsi, en raison de la covid, le taux d’absentéisme a chuté drastiquement soit de moitié soit à moins d’un tiers voire au taux zéro[16].

L’autre apport consiste à une meilleure intégration des salariés à mobilité réduite. Ils pourraient ainsi mieux s’exprimer en évitant les tracas des transports et des infrastructures mal adaptés : ascenseurs en panne, escaliers, etc.

En dernier lieu, il y a l’augmentation de l’estime de soi du salarié car, ce dernier en bénéficiant de la possibilité d’effectuer du télétravail, peut y voir une marque de la confiance de l’employeur à son égard en le laissant travailler hors du lieu classique de l’exercice du travail.

  • Les risques du télétravail dans le présentéisme 

Les risques inhérents au contrôle plus accru du salarié. Malgré le télétravail, les prérogatives de direction et de discipline dévolues à l’employeur ne disparaissent pas. Sur le plan technologique, la surveillance du salarié peut se caractériser par l’usage de l’ordinateur-compteur ou de l’ordinateur-boîte noire qui enregistre en temps réel toute l’activité du salarié.

Les risques sur la divulgation des données à caractère personnel du salarié qui est surveillé. Le télétravail induit des échanges récurrents avec le reste des salariés et des responsables. Ce qui entraîne la collecte d’un certain nombre de données à caractère personnel, y compris les données dites sensibles, qui devraient être protégées

Les risques de maladies professionnelles. Le télétravail peut véhiculer la fausse idée qu’il permet de moins travailler de moins de travail à la maison. Plus souvent, l’on fait plus de temps de travail en télétravail qu’en présentiel au bureau : ce  qui est un risque de burn-out et d’autres maladies professionnelles.

  • Incidences financières du télétravail

Les obligations financières de l’employeur dans le télétravail sont nombreuses.

L’obligation de prise en charge  de tous les frais professionnels, c’est-à-dire ceux concernant la mise en place, l’entretien et l’adaptation des équipements et services nécessaires à l’exercice du télétravail, y compris ceux engagés par le télétravailleur, dès lors qu’il démontre que lesdits frais bénéficient au télétravail.

L’obligation d’indemnisation forfaitaire d’occupation de l’espace du domicile du salarié qui est destiné à des fins professionnelles, lorsque l’employeur ne lui a pas attribué un autre espace à cet effet, au titre de désagrément que cause au télétravailleur, le stockage permanent des équipements de télétravail.

CE QU’IL FAUT RETENIR 

La présentéisme n’est plus le gage majeur de la performance au poste de travail dans la fonction publique de l’Etat, tout comme l’absentéisme ne peut plus justifier seul l’inefficacité, la sous performance ou la dégradation du service public.

Par conséquent, s’il est vrai que l’on ne peut arriver à rien sans discipline, en l’état actuel des causes de la présomption d’absentéisme dit chronique dans le secteur public, les sanctions ne suffisent pas, à elles seules, pour appréhender la réelle problématique essentiellement sous-jacente qui en constitue le terreau.

La covid-19, qui s’est installée durablement dans notre civilisation, et son impact irréversible sur l’organisation du travail voire sur nos modes de vie, appelle une profonde réinitialisation de la manière d’organiser les activités professionnelles des fonctionnaires et agents de l’Etat.

L’atteinte des performances et l’amélioration de la qualité du service public sont possibles, moins par la sanction, somme toute légitime, de l’absentéisme, que par une adaptation conséquente de l’appareil de l’administration publique aux nouvelles exigences et contingences inévitables et contextuelles de notre ère technologique et sociale.

*Par Laurent-Fabrice ZENGUE

Juriste

Droit du numérique et des données

Droit de l’arbitrage interne et international

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